LAS de Rome le 28 juillet 1831 adressée à Charles Duveyrier. 2 p. in 4° avec adresse au dos et marques postales (avec fentes aux stylets et traces de purification du courrier dans le cadre des mesures prophylactiques alors en vigueur en raison de l'épidémie de choléra en Europe). '' Mon cher ami, ou plutôt mon cher père, vos paroles n'ont pas été perdues...la chaleur, la passion avec lesquelles vous m'avez d'abord prêché la doctrine, m'avaient plutôt étonné que touché ; mais dans ce cas comme dans tous les autres, il faut laisser agir le temps. Depuis que je vous ai quitté, de nouveaux orages sont venus fondre sur moi ; LA BASSESSE ET L'INFAMIE AVAIENT CONSPIRÉ MA PERTE ; COMME VOUS L'AVEZ PEUT-ETRE APPRIS, CAMILLE A EPOUSÉ PLEYEL, au mépris des liens les plus forts, les plus sacrés, au mépris de son honneur et de sa réputation. N'en parlons plus. Depuis que je suis de retour à Rome, j'ai fait connaissance avec un des nôtres, Cendrier l'architecte ; nous avons souvent parlé de vous et de St-Simon. Sa conviction froide et calme m'ont fait beaucoup réfléchir ; j'ai lu avec avidité une liasse de numéros du Globe qu'on m'a prêtée dernièrement et mes derniers doutes ont été levés complettement. DANS TOUT CE QUI TIENT A LA RÉORGANISATION POLITIQUE DE LA SOCIETÉ, JE SUIS CONVAINCU AUJOURD'HUI QUE LE PLAN DE ST-SIMON EST LE SEUL COMPLET, MAIS JE DOIS VOUS DIRE QUE MES IDÉES N'ONT PAS LE MOINS DU MONDE VARIÉ SUR TOUT CE QUI TIENT AUX OPINIONS EXTRA-HUMAINES, SUR DIEU, SUR L'AME, SUR UNE AUTRE VIE, ETC...je pense que ce ne peut pas être un obstacle à ce que j'unisse mes voeux et mes efforts aux vôtres pour l'amélioration de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, pour le classement naturel des capacités et pour l'anéantissement des privilèges de toute espèce, qui, cachés comme la vermine dans les derniers replis du corps social, avaient jusqu'ici paralysés les efforts tentés pour sa guérison. Ecrivez-moi là-dessus, je vous répondrai aussitôt pour vous communiquer MES IDEES SUR LES MOYENS DE M'EMPLOYER MUSICALEMENT AU GRAND OEUVRE à mon retour à Paris ; je puis vous certifier qu'en attendant ce moment, que j'appelle de tous mes voeux, JE CHERCHERAI AUTANT QU'IL SERA EN MOI A REPANDRE PARMI LES ARTISTES QUE JE FREQUENTE, LA CONVICTION DONT JE SUIS PÉNÉTRÉ. Adieu, adieu. J'attends et j'espère...''. SUPERBE LETTRE ÉCRITE ALORS QU'IL RÉSIDAIT A LA VILLA MÉDICIS : c'est en 1830, année où il composa la Symphonie fantastique, que Berlioz reçut le premier prix de Rome pour sa cantate Sardanapale. Il fut alors pensionnaire à la villa Médicis de 1831 à 1832. UN CRI DU COEUR SUR SES FIANCAILLES ROMPUES : durant l'hiver 1829-1830, Berlioz se fiança avec la jeune et brillante pianiste Camille Moke, mais, alors qu'il était à Rome, sa promise épousa le facteur de piano Camille Pleyel. Fou de rage, Berlioz décida de renter en France tuer la parjure, mais s'arrêta en chemin, à Nice avant de retourner à Rome. De sensibilité libérale, Hector Berlioz entra en contact avec les Saints-Simoniens à la fin de 1830. Il fut donc mis en relation avec le Saint-Simonien Charles Duveyrier (1803-1866). La présente lettre révèle l'intérêt enthousiaste d'Hector Berlioz pour le Saint-Simonisme, mais souligne également qu'il ne se départait pas pour autant de son sens critique. UNE MISSIVE INTERCEPTÉE PAR LA CENSURE AUTRICHIENNE : Metternich eut copie de la présente lettre et écrivit à son ambassadeur à Rome de ne pas laisser entrer Berlioz dans les territoires italiens sous contrôle de l'Autriche.
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