Editions ARTHEME FAYARD
126 pages
port = 3,50€
Henry Bordeaux, né le
25 janvier 1870 à
Thonon-les-Bains et mort le
29 mars 1963 à
Paris, est un
avocat,
romancier et
essayiste français, originaire de
Savoie.
Carrière littéraire
« Ma vocation littéraire se confond avec mes années de collège. » À l'âge de 16 ans, après avoir obtenu son baccalauréat à Chambéry, Henry Bordeaux part pour Paris afin d'y suivre des études de droit et de littérature. Il y rencontre notamment Alphonse Daudet et son fils Léon, François Coppée, Verlaine, Léon Bloy.
Avocat à la suite de son père, Henry Bordeaux fut inscrit, après ses études de droit à Paris, au barreau de Thonon (1889), mais il ne tarda pas à se tourner vers l'écriture. Sa carrière d'écrivain s'étale de 1887 (premier poème publié Rebecca, récompensé par l'Académie de Savoie) à 1960, année de son dernier livre (Le Flambeau Renversé).
À la suite du ralliement officiel de l'Église à la République (1892) et de l'édification de la doctrine sociale de l'Église, Henry Bordeaux devient républicain. En 1893, à la demande du Comité de la droite républicaine de Savoie, il prend la direction du journal Le Réveil de Savoie destiné à défendre la candidature de Me François Descostes au poste de député de Chambéry, sans succès[1].
Les idées politiques de Henry Bordeaux, qui s'affinent dans le temps et dans ses écrits, sont proches du catholicisme social de Frédéric le Play ou d'Albert de Mun, relais politiques du ralliement de l'Église à la République.
En 1894, alors qu'il travaille, à Paris, comme avocat-rédacteur à la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, il publie son premier livre, Âmes modernes, qu'il adresse à tout hasard à ses écrivains préférés. « Quelques jours plus tard, le dernier jour d'octobre 1894, je déchiffrai une lettre de quatre pages qui était signée : Paul Bourget. Il y a longtemps, disait-il, que je n'ai éprouvé à la lecture d'un volume autant de plaisir qu'au vôtre. »
Après quelques œuvres de jeunesse d'esprit plus large (tel son premier roman L'Amour qui passe, aussi connu sous le titre La Fée de Port-Cros ou La Voie sans retour dans lequel on retrouve un parfum de Pierre Loti), Henry Bordeaux s'oriente vers des types de personnages (hommes ou femmes) dont les positions morales traditionnelles et chrétiennes trouvent leur expression dans un engagement concret dans la vie quotidienne ; engagement que lui-même résume dans la longue préface (1905) qu'il joindra à son roman La Peur de Vivre (1902). Fiancé au moment de l’affaire Dreyfus, Henry Bordeaux relate dans le tome II de ses mémoires, La Garde de la maison[2], sa conversation avec son futur beau-père qui avait le 30 janvier 1899 sans détour abordé le sujet qui divisait la France entière. Tous deux étaient persuadés de la probité et de l’innocence du capitaine Dreyfus.
Il est cependant difficile de résumer une œuvre aussi abondante, comportant plus de deux cents ouvrages, abordant tous les genres : poésie, théâtre, romans, romans psychologiques, romans policiers, nouvelles, biographies, études littéraires, études critiques, études historiques, mémoires, récits de voyage. Il rédigea la plupart de ces ouvrages dans sa maison du Maupas à Cognin.
Il devient membre agrégé de l'Académie de Savoie le 5 mars 1903, puis effectif le 2 mars 1910[3].
Henry Bordeaux, élu membre de l'Académie française en 1919, fut témoin, et parfois acteur, de périodes importantes tant au niveau historique (Première Guerre mondiale, mouvements sociaux des années 1930, Seconde Guerre mondiale) qu'au niveau de l'évolution des mœurs : modification de la place occupée par les femmes dans le couple et dans la société, amélioration des conditions de vie des ouvriers. Ce souci de l'engagement concret dans son époque se retrouve dans toute son œuvre.
Cette œuvre a souvent pour cadre la Savoie : Chambéry (Les Roquevillard), la vallée de la Maurienne (La Maison morte, La Nouvelle Croisade des enfants, La Chartreuse du Reposoir), le Chablais (La Maison, Le Pays sans ombre)… Les romans d'Henry Bordeaux sont baignés des valeurs traditionnelles, dans la lignée de René Bazin et surtout de Paul Bourget, qu'il reconnut longtemps pour « maître » et dont il se différencia un peu sur le tard (lire « Paul Bourget intime », Revue des deux Mondes, 1952). Bien que les personnages de ses romans soient dépositaires et gardiens des valeurs traditionnelles en France, ils sont aussi parfois impliqués dans l'expansion de l'influence française dans le monde (religieux, industriels, militaires), à l'image des membres de sa propre famille (voir détail plus haut).
À la fin des années 1930 (les années du Front populaire), Henry Bordeaux, toujours inspiré par le catholicisme social, prend clairement position pour l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres (logement, hygiène, santé, alimentation) dans ses romans Le Remorqueur, Crimes Involontaires - conditions de vie qu'il met en parallèle avec le luxe, les travers et les hypocrisies de la noblesse et de la grande bourgeoisie.
À la veille de la guerre, il entreprend un voyage en Allemagne qui lui permet de jeter un regard sur ce qu'est devenue l'Allemagne, en proie à l'idéologie nationale-socialiste. Il dressa lucidement le portrait de la nouvelle Allemagne, étonné de son redressement et réprouvant la mainmise du nouveau pouvoir sur les esprits[4].
Dédicace du Général de Gaulle.
En 1940, il prend position pour le maréchal Pétain, ami depuis la Première Guerre mondiale qu'il soutient activement et qu'il rencontre régulièrement au moins jusqu'en 1943. Il approuve les pleins pouvoirs, qu’il relate dans son livre (Les murs sont bons, 1940), et partage largement les objectifs de la Révolution nationale[5].
La fin de la Seconde Guerre mondiale marque une rupture dans la carrière de Henry Bordeaux : en septembre 1945, il est inscrit sur une liste d'Épuration du Comité national des écrivains, avant d'en être rayé en octobre 1945 grâce à l'intervention de Georges Duhamel (secrétaire perpétuel de l'Académie française) soucieux de protéger l'honneur de l'Institution, et de rétablir l'honneur d'Henry Bordeaux qui publie pendant la guerre, entre autres, un roman traitant d'Hitler « L'homme qui détient à lui seul le pouvoir de déchaîner le malheur d'une guerre inutile et insensée sur le monde, l'homme qui exerce ce pouvoir sans hésitation quand il est en présence de sa responsabilité, se classe lui-même parmi les monstres (...) »[6]. Stanley Hoffmann le cite parmi les « conservateurs maurrassiens et les conservateurs autoritaires » (par oppositions aux fascistes pro-allemands) qui prennent le pouvoir à Vichy en 1940[7]. Ce conservatisme traditionaliste ne l'empêchera pas d'adhérer, en 1950, à l'Association des amis de Robert Brasillach[8] (ce dernier, rédacteur en chef de Je suis partout, ayant été fusillé en 1945 pour faits de collaboration).
En octobre 1954, le général de Gaulle lui écrit une dédicace sur un exemplaire de son livre Mémoires de guerre : L'Appel, 1940-1942 en ces termes : « À M. Henry Bordeaux dont l'œuvre a tant nourri mon esprit et mon sentiment ». Sans doute aurait-il été surpris de lire dans le dernier tome des mémoires d'Henry Bordeaux combien celui-ci ne l'appréciait pas et l'accusait encore d'avoir été l'homme de la division[9].